Swami Prajnanpad
Qui était Swâmi Prajnânpad ?
Né en Inde en 1891 dans une famille de brahmines Bengali, Swami Prajnanpad a d'abord suivi des études scientifiques qui l'ont conduit à devenir professeur de physique -entre autres à partir de 1923, à l'Université de Bénarès-. Très tôt taraudé par la quête intérieure, il a étudié les textes classiques de la philosophie indienne, puis s'est mis à la recherche de son propre maître. Après avoir rencontré de nombreux sages ou prétendus tels, il a choisi la voie non-dualiste (advaïta védânta) en devenant l'élève du maître Niralamba Swâmi.
En marge du travail sur soi qu'il entreprenait sous la direction de ce maître, sa position professionnelle à l'Université de Bénarès lui permettait de suivre l'actualité des publications scientifiques de l'époque et c'est ainsi qu'il a eu l'occasion de lire assez tôt les premiers écrits de Freud consacrés à la notion d'inconscient. Paradoxalement, ces écrits ont eu sur lui une grande influence car, comme il s'en est expliqué plus tard, il y a trouvé "le chaînon manquant", qui lui a permis de faire le pont entre la sagesse immémoriale de l'Inde ancienne et ses conditionnements psychologiques initiaux (samskaras) d'homme du XXème siècle.
Après être ainsi parvenu au terme de sa quête, Swâmi Prajnânpad est peu à peu devenu à son tour un maître spirituel reconnu, ce qui l'a conduit, à la mort de Niralamba Swâmi, à prendre la succession de son maître à la tête du petit ashram où celui-ci vivait, au fin fond des rizières du Bengale, près de Channa.
C'est là que, durant plus de 40 ans, il a reçu les personnes venues solliciter son aide, pour les guider vers l'éveil à la dimension universelle d'eux-mêmes, selon les principes de l'Adhyâtma Yoga qu'il a formulés et explicités au fil du temps, en réponse aux questions et difficultés concrètes de ses élèves.
Bien qu'ayant été le condisciple à l'Université de Calcutta de plusieurs grands intellectuels indiens de son époque, et malgré une intense activité au service des personnes qui faisaient appel à lui, Swâmi Prajnânpad a pris soin toute sa vie de se tenir à l'écart d'une notoriété dont il n'avait que faire. Il a en particulier toujours refusé de faire des conférences et/ou de publier des livres car, selon lui, seul un enseignement oral direct pouvait avoir un vrai pouvoir libérateur. S'il n'avait été "découvert" sur le tard par un Français en quête d'un maître spirituel authentique, il serait très probablement resté ignoré du public et cela, même en Inde, où il n'a eu que peu de disciples en comparaison des foules de "devotees" que les grandes figures de la spiritualité de son époque (Ramana Maharshi, Ma Anandamayi...) drainaient déjà dans leur sillage. Et, puisqu'en Inde même, il n'a pas laissé de successeur officiel, son œuvre, particulièrement novatrice, serait probablement tombée à présent dans les oubliettes de l'Histoire sans l'intervention inespérée de ce premier Français...
Quels sont ses principaux élèves directs ?
Outre les quelques centaines d'élèves indiens qui ont été guidés par Swâmi Prajnânpad entre 1930 et 1974, c'est en 1959, qu'un premier Occidental, le Français Daniel Roumanoff, a noué une relation avec Swâmi Prajnânpad. Par la suite et sur les conseils de ce jeune Français, particulièrement impressionné par les qualités d'enseignant de "Swâmiji", le médecin accoucheur Frédéric Le Boyer (ultérieurement auteur du best seller "Pour une naissance sans violence") se mit lui-même bientôt à l'école du même maître. Quelque temps plus tard, ce fut le tour du réalisateur de films de télévision Arnaud Desjardins d'être conquis par la clarté et l'efficacité de l'enseignement de Swâmi Prajnânpad, qu'il fit alors découvrir à sa propre épouse Denise Desjardins...
Les élèves français ayant eu pour consigne express de ne pas divulguer au public l'adresse de leur maître, Swâmi Prajnanpad ne fut connu que d'une dizaine de disciples français jusqu'à sa mort survenue en 1974. Mais il avait autorisé de son vivant certains de ses disciples à publier quelques ouvrages sur son enseignement et si les livres publiés en Inde ne connurent qu'une diffusion confidentielle, il n'en fut pas de même pour ceux publiés en France par Arnaud Desjardins qui connurent un franc succès. Ceci rendit même possible ultérieurement la publication d'ouvrages spécialisés, dont ceux tirés de la thèse de doctorat soutenue à la Sorbonne en 1985 par Daniel Roumanoff et qui restent à ce jour la meilleure source d'information disponible tant sur la biographie de Swâmi Prajnanpad que sur son enseignement. Au fil du temps ces premiers écrits ont été complétés par les témoignages de plusieurs des autres élèves français (Frédéric Le Boyer, Olivier Cambessédès, Colette Roumanoff, Denise Desjardins...).
La notoriété posthume ainsi acquise en France par Swâmi Prajnânpad a amené quelques disciples indiens à publier à leur tour en Occident le témoignage de leur propre relation à leur maître (Cf. entre autres "L'expérience de l'Unité" de Sumangal Prakash). Elle a aussi attiré l'attention de plusieurs philosophes contemporains dont André Comte-Sponville. Le cas de ce dernier n'est pas dénué d'intérêt, puisque, venu d'un horizon idéologique extrêmement éloigné de la spiritualité, (André Comte-Sponville se définit comme un "philosophe matérialiste athée"), et n'ayant jamais lui-même rencontré Swâmi Prajnânpad de son vivant, il a néanmoins réussi le tour de force d'écrire l'un des livres les plus convaincants intellectuellement sur l'enseignement de Swâmi Prajnânpad : "De l'autre côté du désespoir"...